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Réforme de la chefferie traditionnelle au Bénin : un cadre juridique pour la restauration de l’ordre et de la légitimité

Réforme de la chefferie traditionnelle au Bénin : un cadre juridique pour la restauration de l’ordre et de la légitimité

Le Bénin a adopté une loi historique pour encadrer et restructurer la chefferie traditionnelle, longtemps laissée dans le flou juridique depuis l’indépendance. Fruit de trois années de travail rigoureux piloté par une commission interdisciplinaire, cette législation vise à clarifier les fonctions, les critères de reconnaissance et les limites d’intervention des figures traditionnelles au sein de la société béninoise.

Un cadre légal pour rétablir la vérité historique Depuis l’indépendance, l’absence de loi claire a favorisé l’émergence de “rois sans royaumes” ou de “chefs improvisés”, ce qui a entraîné un désordre symbolique et institutionnel. Le professeur Albert Bienvenu Akoha, président de la commission technique chargée de l’élaboration du cadre juridique, explique que la démarche a visé à distinguer ce qui relève de la vérité historique de ce qui relève de la fiction coutumière. Une méthodologie scientifique et inclusive. Composée de 17 experts issus de différentes disciplines et représentant toutes les aires socioculturelles du pays, la commission a combiné travail documentaire, prospection de terrain et validation universitaire. L’objectif : recenser les entités politiques traditionnelles existantes à la veille de la colonisation (1894 au sud, 1897 au nord), en s’appuyant sur des critères d’espace, de structure de pouvoir et de différenciation sociale.

Une catégorisation claire et objective Trois grandes catégories de chefferie traditionnelle sont retenues par la loi : les rois, les chefs supérieurs et les chefs coutumiers. Une quatrième catégorie dite “chefferie communautaire” regroupe les responsables de lignages et de quartiers, qui ne relèvent pas de la reconnaissance juridique nationale mais conservent leurs fonctions sociales et rituelles.

Des rois apolitiques, garants de la neutralité républicaine L’un des points clés de la loi est l’interdiction faite aux chefs traditionnels de militer dans un parti politique ou d’exercer des fonctions électives. Cette mesure vise à garantir leur neutralité et à empêcher leur instrumentalisation par les acteurs politiques, phénomène fréquent dans le passé. Vers une opérationnalisation équilibrée Avec la promulgation de la loi le 3 avril 2025, les prochaines étapes incluent la création de la Commission nationale permanente de suivi de la chefferie traditionnelle, la mise en place de la Chambre nationale des chefs traditionnels et des conseils de désignation communautaire.

Une loi de régulation, pas d’exclusion Pour le professeur Akoha, cette loi n’est pas une loi d’exclusion, mais de rassemblement. Elle invite chaque communauté à se réorganiser selon ses règles coutumières pour s’insérer dans un cadre républicain harmonisé. Les réclamations examinées durant le processus peuvent faire l’objet de relectures si de nouvelles preuves scientifiques solides émergent. Un tournant historique pour le Bénin Cette législation marque un moment charnière dans l’histoire institutionnelle du Bénin. Elle réhabilite la chefferie traditionnelle en tant que structure morale et culturelle, tout en lui imposant un encadrement moderne fondé sur la science, la légitimité et la cohésion nationale

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