Après une commémoration du 8-Mai sur des Champs-Elysées, Emmanuel Macron a visité l’ancienne prison de Montluc, à Lyon, et tenu un discours sur Jean Moulin
Après avoir commémoré le 8 mai 1945 à Paris, sur des Champs-Elysées quasi vides, Emmanuel Macron s’est rendu lundi après-midi à Lyon. Le chef de l’Etat a visité le Mémorial de l’ancienne prison de Montluc, où Jean Moulin et d’autres figures de la Résistance furent détenus. Accompagné de l’historien Serge Klarsfeld et de l’ancien déporté Claude Bloch, le président de la République a rendu hommage aux résistants de la seconde guerre mondiale et « aux victimes de la barbarie nazie ».
Lors de son discours, Emmanuel Macron a rappelé que « la tristesse de ceux qui n’ont pas d’espérance n’avait pas de prise sur [Jean Moulin], car il avait la certitude intime, indéracinable, que la France en laquelle il croyait serait victorieuse. Que d’autres, si ce n’est lui, en cueilleraient les fruits et que la justice triompherait. Mais il ne pouvait imaginer à quel point ce serait vrai dans les lieux mêmes de son agonie et que ces murs où nous nous tenons en seraient le prétoire. »
Ce lieu, Montluc, « mué en haut lieu de la mémoire nationale grâce à l’engagement de beaucoup », devient « pour nous tous », a affirmé le président, « un Mémorial de la Résistance, de la déportation et des crimes de guerre nazis, sur lequel veillera désormais la présidence de la République ».
Le chef de l’Etat a associé le nom de l’ancien préfet et chef de la Résistance mort sous la torture à l’historien Marc Bloch, mort en déportation : « Moulin et Bloch nous disent que la République française n’est par définition ni bonne ni mauvaise, elle est nécessaire, vitale, juste. » « Ayons confiance en nous et en ceux qui nous suivront », a-t-il dit en référence au devoir de mémoire et de transmission.
Des milliers d’opposants à la réforme des retraites
Des appels à manifester avaient rassemblé vers 14 h 30 une centaine de personnes à proximité du Mémorial de la prison. La préfecture du Rhône avait interdit tout rassemblement dans cette zone, mais les manifestants – munis de casseroles et de sifflets – qui attendaient l’arrivée d’Emmanuel Macron se sont réunis en dehors de cette zone. « Jean Moulin nous pardonnera, (…) nous aussi on fait de la résistance », confiait une manifestante à une journaliste de BFM-TV. Un recours avait été déposé par la CGT contre cette interdiction de manifester, puis rejeté lundi par la justice administrative. « On s’y conformera et on fera notre commémoration hors du périmètre » de sécurité, avait réagi Samuel Delor, de la CGT du Rhône, sur BFM-TV.
Le rassemblement contre Macron et contre la réforme des retraites a commencé à prendre de l’ampleur aux alentours de 15 heures autour du Mémorial, mais à l’extérieur du périmètre de sécurité. Ils étaient alors presque 3 000 selon la préfecture, 5 000 d’après la CGT, tenus à bonne distance par les forces de l’ordre. Des CRS ont été mobilisés sur place pour tenter de bloquer le cortège des opposants, et ont fait usage de gaz lacrymogène contre ces derniers.
Toutefois, les manifestants ont continué leur progression dans les rues de Lyon, certains brandissant des drapeaux aux couleurs de la CGT ou de FO, d’autres tapant sur des casseroles. « On ne dit pas que la situation actuelle est comparable à 1945, on dit simplement que le gouvernement ne peut pas piétiner l’héritage social de la Résistance », a commenté Samuel Delor. Les vitres de la porte de la mairie du 3e arrondissement de Lyon ont été cassées, des vitres de voitures brisées et des CRS ont à nouveau fait usage de gaz lacrymogène, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. A plusieurs centaines de mètres de là, Emmanuel Macron a effectué sans encombre sa visite. Au Mémorial national de la prison de Montluc, après avoir déposé une gerbe, le président de la République s’est recueilli alors que La Marseillaise et Le Chant des partisans retentissaient sur le site. Emmanuel Macron a ensuite visité l’intérieur du Mémorial. Vers 17 heures, les manifestants étaient rassemblés sur une place non loin de la bordure du périmètre, et commençaient à se disperser.
Préfet de 1937 à 1940, premier président du Conseil national de la Résistance (CNR), Jean Moulin fut arrêté le 21 juin 1943 à Caluire, près de Lyon, par le chef local de la Gestapo, Klaus Barbie. Affreusement torturé, il garda le silence et mourut, des suites des blessures qui lui avaient été infligées, le 8 juillet 1943, en gare de Metz, dans le train qui le déportait en Allemagne.
« Si Klaus Barbie et ses pairs espéraient étouffer sous leurs semelles le cri de la révolte, ils ont échoué »
Pendant sa visite de la prison, Emmanuel Macron s’est rendu dans la cellule de Jean Moulin et dans celle du « boucher de Lyon », Klaus Barbie, qui passa une nuit à Montluc après son arrestation en 1983. Il fut condamné à la réclusion criminelle à perpétuité quatre ans plus tard. Lors de son discours de ce 8 mai 2023, le président de la République a rappelé que « si Klaus Barbie et ses pairs espéraient éteindre à coups de poing les regards qui les bravaient, s’ils croyaient étouffer sous leurs semelles le cri de la révolte et murer vive la liberté, alors, ils ont échoué. »
La cérémonie de Lyon, à l’approche du 80e anniversaire de l’arrestation et de la mort de Jean Moulin, ouvre un nouveau cycle mémoriel qui se poursuivra le 6 juin 2024 avec la commémoration du Débarquement en Normandie et s’achèvera le 8 mai 2025 pour les 80 ans de la victoire.
Plus tôt dans la matinée, Emmanuel Macron était accompagné à Paris par la grande escorte de la garde républicaine, à cheval et motorisée. Les commémorations parisiennes ont aussi été très encadrées par les forces de l’ordre. Le chef de l’Etat a remonté les Champs-Elysées, dans sa voiture, vitres fermées, devant seulement quelques dizaines de curieux.
Par crainte des risques de « casserolades », récurrents depuis l’adoption de la réforme des retraites, tout rassemblement avait en effet été interdit aux abords des Champs-Elysées. Des filtrages stricts ont été mis en place, et le public tenu à bonne distance du défilé de cette commémoration au 8 mai 1945. Puis, il a rejoint l’Arc de triomphe pour le dépôt d’une gerbe, le ravivage de la flamme et une minute de silence devant la tombe du soldat inconnu, en présence notamment de la première ministre, Elisabeth Borne.