
🔍 Bénin : Les trois erreurs majeures dans la gestion de la communication de crise autour du limogeage de Paulin Akponan
La crise née des déclarations du désormais ex-ministre de l’Énergie, Paulin Akponan, sur de présumés détournements massifs au sein de son ministère, a provoqué un séisme politique au sein de l’exécutif béninois. Une sortie publique abrupte, un limogeage précipité, un silence éloquent du président, suivi d’un communiqué de repentance : en l’espace de quelques jours, le gouvernement béninois a offert un cas d’école — malheureux — de communication de crise mal orchestrée. Trois erreurs majeures peuvent être identifiées, chacune révélant une faille structurelle dans la gouvernance et le pilotage de l’image de l’État.
Une déclaration publique mal maîtrisée, aux conséquences politiques sous-estimées
Tout est parti d’un discours prononcé à Parakou, lors d’une activité politique locale. Le ministre Paulin Akponan, encore en poste, a évoqué devant un public partisan des « siphonnages de dizaines de milliards » dans la gestion des finances publiques, pointant indirectement son prédécesseur, Samou Seidou Adambi. S’il est vrai qu’une liberté de ton peut parfois marquer un courage politique, ici, elle s’est transformée en un tir contre son propre camp. En choisissant un cadre informel pour lancer une accusation aussi grave, et sans passer par les canaux hiérarchiques ou judiciaires, Paulin Akponan a exposé l’exécutif à une tempête difficilement contrôlable. C’est la première faute : parler sans filet dans un espace où la parole engage plus que jamais.
La seconde erreur incombe au gouvernement lui-même, et en particulier au porte-parole Wilfried Léandre Houngbédji. En rejetant toute responsabilité sur le ministre déchu — l’accusant d’avoir omis d’informer le chef de l’État en privé — le gouvernement a visiblement voulu faire diversion selon plusieurs observateurs. Mais cette posture défensive a surtout renforcé le doute sur la sincérité de l’exécutif. Pire encore, elle contredit des informations persistantes selon lesquelles le président Patrice Talon avait été informé depuis longtemps de la mauvaise gestion du ministère de l’Énergie, notamment sous l’ère Houssou. En niant toute connaissance antérieure, le gouvernement a perdu en crédibilité. Plutôt que de désamorcer la crise, il a attisé les soupçons. Le réflexe de dissimulation au lieu d’une clarification transparente fut une grave erreur de méthode.
Un mea culpa trop tardif et peu cohérent, révélateur d’une pression politique intense
Enfin, le long communiqué d’excuses publié par Paulin Akponan, empreint de contrition et de formules culturelles (« génuflexion de ma coutume nago »), souligne la troisième erreur : une gestion solitaire de la crise, sans accompagnement institutionnel clair. Le ministre tente de tout désamorcer seul, allant jusqu’à s’excuser auprès du président, de son prédécesseur, du parti, du peuple… Ce message, bien qu’humainement compréhensible, illustre un affaissement brutal du discours initial. Entre le discours de vérité à Parakou et le repli quasi-confessionnel de son communiqué, l’écart est tel qu’il sème le doute sur la sincérité de l’un ou de l’autre. Ce recul brutal jette également une lumière crue sur les pressions internes exercées sur les voix dissidentes au sein du pouvoir.
Ce triptyque — une déclaration maladroite, une contre-offensive gouvernementale douteuse, un rétropédalage sous influence — révèle les failles d’un système qui préfère le contrôle narratif à la vérité, la stigmatisation à la responsabilité collective, et la verticalité autoritaire à l’humilité politique. Dans un contexte de fin de mandat chargé de tensions, cette affaire, au-delà de ses enjeux techniques, constitue un révélateur du malaise démocratique dans la gestion de l’État béninois : quand la parole vraie devient subversive, et que le silence complice devient la norme.