Site icon LESPHARAONS

🇧🇯🇨🇮 Succession, troisième et quatrième mandat : ce que Talon et Ouattara n’ont (officiellement) pas dit à Abidjan

🇧🇯🇨🇮 Talon chez Ouattara à Abidjan : entre diplomatie affichée et ambitions sous silence

Abidjan, 24 juin 2025 – Ce qui aurait pu être une simple visite bilatérale entre chefs d’État prend, à la lumière des contextes politiques respectifs au Bénin et en Côte d’Ivoire, des allures de concertation stratégique. Patrice Talon et Alassane Ouattara se sont retrouvés ce mardi à Abidjan pour échanger officiellement sur des sujets de coopération : sécurité régionale, lutte contre le terrorisme, libre circulation des biens et personnes. Mais en toile de fond, une question demeure : parlent-ils aussi de leur avenir au pouvoir ?


Talon : en fin de mandat… officiellement

Au Bénin, Patrice Talon est entré dans sa dernière année de mandat. Constitutionnellement, rien ne lui permet de briguer un troisième mandat. Lui-même l’a répété à plusieurs reprises : il ne souhaite pas « s’éterniser au pouvoir ». Pourtant, les signaux politiques sur le terrain contredisent cette posture de retrait. Le verrouillage institutionnel, le musellement de l’opposition, et surtout la modification controversée du code électoral adoptée en mars 2024 ont alimenté les soupçons d’un plan de succession verrouillée, voire d’une prolongation non dite.

Depuis plusieurs mois, les débats autour d’un potentiel successeur dans son entourage proche, et les manœuvres internes dans son camp, montrent qu’aucun scénario n’est exclu. Le « dauphin » n’a toujours pas émergé clairement, ce qui alimente les interrogations sur les véritables intentions du chef de l’État béninois. Le climat politique s’est durci. Les figures critiques sont exilées ou réduites au silence, et la classe politique, restructurée par la réforme du système partisan, donne peu de place au renouvellement réel.


Ouattara : le silence avant la tempĂŞte

En Côte d’Ivoire, l’ambiguïté vient de céder la place à la clarté : le RHDP, parti présidentiel, a officiellement désigné Alassane Ouattara comme son « candidat naturel » pour la présidentielle de 2025. Une candidature pour un quatrième mandat, malgré les protestations répétées de l’opposition ivoirienne et les mises en garde sur la légitimité du processus électoral. Gilbert Koné Kafana, président du directoire du RHDP, a mis fin au suspense : « Ce qui est en jeu, c’est la victoire éclatante de notre champion ».


Une convergence de méthodes et de discours

Talon et Ouattara ont plus en commun qu’une bonne entente diplomatique. Tous deux arrivent au terme de leur mandat dans un contexte politique miné par des restrictions de libertés, des réformes électorales controversées, et une opposition affaiblie, parfois même absente. Leur rencontre intervient à un moment stratégique où les deux hommes doivent gérer, chacun à sa manière, la suite de leur règne : passation de pouvoir, prolongation tacite, ou reconfiguration du système autour d’un successeur contrôlé. Dans les deux cas, la tentation du pouvoir long semble bien réelle, même si le discours reste prudent.


Une sous-région en quête de respiration démocratique

Alors que plusieurs pays de la CEDEAO sont secoués par des coups d’État, des transitions militaires ou des contestations populaires, la Côte d’Ivoire et le Bénin faisaient encore récemment figure de modèles de stabilité. Mais cette stabilité devient de plus en plus relative. Les tensions sociales, la concentration du pouvoir et l’effacement progressif des contre-pouvoirs inquiètent les observateurs. La rencontre d’Abidjan, bien que sobrement couverte, s’inscrit dans une logique de coordination entre dirigeants expérimentés, soucieux de préserver leur influence. Le langage diplomatique dissimule mal les préoccupations communes : comment garder la main sur le pouvoir sans rompre formellement avec les principes démocratiques qu’ils ont promis de respecter.


 

Quitter la version mobile