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🇧🇯 Du Bénin au Zimbabwe : Talon sur les traces de Mugabe avec ses “super-ministres”

Benin President Patrice Talon listening to French President Emmanuel Macron after a sining ceremony at the Elysee Palace in Paris, Tuesday, Nov. 9, 2021. France hand over in an official signing ceremony 26 looted colonial-era artifacts to the government of Benin. (AP Photo/Michel Euler)

Alors que son second mandat entre dans sa dernière ligne droite, le président béninois Patrice Talon renforce sa stratégie de centralisation administrative en confiant à quelques hommes de confiance un nombre croissant de portefeuilles ministériels. Dernier exemple en date : la nomination de José Tonato à la tête d’un « super-ministère » qui regroupe désormais l’Énergie, l’Eau, les Mines, le Cadre de vie, les Transports et le Développement durable.

Ce choix, intervenu après le limogeage controversé de Paulin Akponna, révèle autant une concentration du pouvoir exécutif que le refus manifeste d’ouverture à de nouveaux profils, au moment où l’administration publique affiche des signes de saturation dans certains secteurs.

Une gestion resserrée par le haut

La méthode n’est pas nouvelle au Bénin. Le ministre de l’Économie et des Finances, Romuald Wadagni, cumule lui aussi les fonctions stratégiques de ministre du Budget, de la Coopération Internationale et de la Prospective. Ce recentrage autour d’un cercle restreint d’hommes jugés « fiables » par le chef de l’État s’est imposé comme une ligne de gouvernance depuis 2016. Dans un pays où les appareils technocratiques souffrent encore d’une faiblesse structurelle, ce modèle présente une logique apparente : réduire les conflits de compétence, accélérer la mise en œuvre des politiques publiques, assurer une meilleure coordination intersectorielle. Mais derrière l’efficacité affichée, se cachent des risques bien réels : surcharge administrative, dilution des responsabilités, opacité dans les prises de décision, et surtout affaiblissement des contre-pouvoirs internes.

Une efficacité sur le papier, des résultats en question

L’expérience internationale est mitigée. En France, le cumul des portefeuilles ministériels a parfois été utilisé pour assurer une transition temporaire. Mais les cas où un ministre pilote durablement trois à quatre départements restent rares, tant la complexité des dossiers l’interdit. En Afrique, on se souvient du Zimbabwe sous Robert Mugabe, où certains ministres géraient jusqu’à six ministères… avec pour résultat un effondrement bureaucratique. Plus récemment encore, en Guinée ou en RDC, le surdimensionnement de certains ministères n’a pas empêché les retards criants dans les secteurs de l’eau, de l’électricité ou de la planification urbaine.

Au Bénin, les performances du ministère de l’Énergie sous la « gestion fusionnée » restent très discutées. Le programme « Éclairer le Bénin » est loin d’avoir atteint les objectifs de couverture électrique à 75 % de la population. Sur le front du transport et du développement durable, les critiques pleuvent sur les lenteurs d’exécution et l’absence de vision intégrée.

Une fin de mandat verrouillée

À moins d’un  an de la fin de son mandat, Patrice Talon resserre ses rangs. Loin d’ouvrir le jeu politique à de nouvelles compétences, il préfère s’appuyer sur ses fidèles – Wadagni, Tonato, Bio Tchané – dans une logique de gestion de confiance, qui exclut désormais toute prise de risque institutionnelle. Cette centralisation peut être interprétée comme une volonté de garder la main sur les dossiers sensibles, y compris ceux qui serviront de tremplin à son successeur désigné. Mais cette stratégie soulève aussi une interrogation politique : à quoi sert la réforme du système partisan si, dans les faits, la technostructure du pays repose sur trois ou quatre hommes ? Le cumul des fonctions ne traduit-il pas, à terme, une crise de relève politique et une peur de renouvellement?

Le modèle de gouvernance par concentration peut, dans des contextes d’urgence ou de réforme profonde, apporter un gain en réactivité. Mais appliqué de façon systématique, il devient contre-productif. Le cas béninois illustre une tension entre efficacité technocratique et gouvernance démocratique.

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